Patrimoine


 

 

Un peu de géographie historique... La carte de la Vienne en 1790


il y a 230 ans, la création des départements... L'organisation administrative de la France d'Ancien Régime était d'une complexité extrême : les bailliages et sénéchaussées, les Pays d'Etat, les gouvernements militaires, les divisions ecclésiastiques, autant de réalités territoriales à l'étendue...

Trouvaille chez un libraire de Gironde : le règlement du Petit séminaire en 1826


Ce  « guide de la scolarité » décrit les conditions d’inscription, l’enseignement et la discipline stricte de l’établissement. Ce petit document de 4 pages nous apprend beaucoup de choses sur le fonctionnement de cet établissement tenu par les Jésuites de 1814 (date du rétablissement des jésuites en...

Le blason de Montmorillon a 40 ans !


Témoignage

Oui, le blason de Montmorillon a 40 ans. Je peux en témoigner. Simplement en témoigner car son adoption, bizarrement, ne fut pas officialisée. On ne trouve pas là-dessus de délibération municipale dûment enregistrée par exemple. Il fallut attendre pour cela la création de la médaille d’honneur de la ville le 14 avril 1981, au revers de laquelle fut frappé le blason déjà existant (fig. 1). La ville n’avait jamais reçu, ni ne s’était jamais attribué d’armoiries dans le passé. En 1979, la mode des logos identitaires n’était pas arrivée et on pensait toujours « blason », à l’ancienne. On usait par erreur de celui d’une famille de Montmorillon de vieille noblesse bourbonnaise, d’or à l’aigle de gueules (rouge) (fig. 2). On l’usurpait donc involontairement. Le maire de l’époque, Jean Bertrand, s’en préoccupa cependant. Le tout jeune étudiant en histoire que j’étais, menais des recherches sur le château de Montmorillon pendant ses vacances (recherches que Philippe Durand devait reprendre si brillamment pour le Montmorillonnais). Le maire m’y aidait beaucoup. Un jour de l’été 1978, il me demanda de lui proposer un blason pour la ville. Il y en avait un à vrai dire, à l’église Notre-Dame, sculpté au côté gauche de l’autel de la Vierge, de telle sorte qu’on peut se le représenter d’azur (bleu) à une tour d’argent, au chef d’argent de même, chargé du monogramme de la Vierge Marie, la protectrice de la cité. Un monogramme qui entrelace élégamment les capitales A et M de l’Ave Maria et que l’on imagine d’azur ou d’or (quoique l’héraldique n’autorise guère métal sur métal). Curieusement, personne ne s’y arrêta, votre serviteur pas davantage ! C’est pure coïncidence si j’ai eu l’idée de la tour. Plutôt d’un château d’ailleurs, l’un de ceux des armes du Poitou (fig. 2), dont Montmorillon fut une baronnie : un écu de gueules au château d’or, par conséquent. Montmorillon et sa châtellenie étant entrées dans le domaine royal dès 1281, j’avais d’abord choisi de coiffer le blason d’un chef d’azur semé de fleurs de lys d’or. Le tout était historiquement cohérent et avait assez d’allure (fig. 3).

fig. 1

fig. 2

fig. 3

Il n’empêche que cela n’emporta pas l’adhésion républicaine du maire. Parce que j’enquêtais également sur l’obscure origine du nom de la ville et que j’étais grandement séduit par une étymologie viticole, le morillon étant un raisin noir et la vigne paraissant avoir été très cultivée à Montmorillon dès les siècles féodaux (voyez mon article dans L’Écho de la Gartempe, n° 48 et 49, 1984), je lui proposais de remplacer les lys par trois grappes de raisin d’azur sur un chef d’or ou d’argent (fig. 4). On crut que le conseil municipal approuvait ce blason, après avoir brièvement songé à monter la tour sur une hauteur, au bas de laquelle coulait la Gartempe (fig. 5). Il n’en fut rien. Le raisin se gâta car, finalement, Jean Bertrand opta, contre toute attente, pour le blason actuel : de gueules à la tour ou (indifféremment) au château d’or, au chef cousu de sable (noir) chargé de quatre pals aussi d’or (fig. 6).

 

fig. 4

fig.5

fig. 6

Il avait cru préférable, me confia-t-il, de symboliser par ces quatre pals, qu’il avait dessinés pointus initialement, nos quatre « clochers » : Notre-Dame, Saint-Martial, Saint-Laurent et Saint-Nicolas (dont il planifiait alors l’urbanisation de l’environnement champêtre). Le chef de sable, quant à lui, évoquait une énigmatique genèse montmorillonnaise, nuance maure…

  

Bruno Tabuteau

Docteur en histoire. Enseignant

Un document exceptionnel !


La bibliothèque du Petit Séminaire a été en grande partie dispersée lors de la fermeture de l’institution dans les années soixante. Comment le petit manuscrit que la médiathèque vient d’acquérir s’est-il retrouvé 50 ans plus tard chez un libraire d’ancien à Toulon ? C’est ce que je vais essayer de vous raconter…

« Eustache ou les quatre martyrs » est le thème retenu par l’abbé Estève ou Stèves, professeur de rhétorique  au Petit Séminaire de 1828 à 1833.

Le document se présente sous la forme d’un petit cahier d’écolier, il est signé d’un certain Delisle, admirateur de l’abbé, qui a fidèlement copié le texte du 27 mars au 19 mai 1834, comme il le précise à la fin de son manuscrit. L’écriture est petite et soignée, la pièce comporte cinq actes en alexandrins dans la plus pure tradition de la tragédie classique, et l’abbé Stèves devait connaître son Racine par cœur…

Le héros choisi par l’auteur est Saint Eustache de Rome, général romain converti au christianisme qui périt martyr avec sa femme et ses deux fils au début du règne d’Hadrien, vers 118 ap. J.-C.. Saint probablement  légendaire, il fournit à l’abbé une histoire destinée à glorifier le martyre pour la foi, thème qui constitue l’essentiel des peintures de l’église saint Laurent et la base même de l’enseignement dispensé aux élèves séminaristes.  

 

Que savons-nous de l’auteur ? L’abbé Ménard, historiographe du Petit Séminaire, lui a consacré deux pages dans sa monumentale étude :

« Lorsque M. Auber quitta Montmorillon, M. l’abbé Stèves ou Estève - Stèves pour les anciens, Estève pour les modernes – lui succéda dans la chaire de rhétorique à la rentrée de 1832. Le nouveau professeur, qui enseignait les humanités depuis 1828, ne devait rester que deux ans professeur de rhétorique. Pendant les années précédentes, d’incessantes petites rivalités entre M. Auber et lui avaient insensiblement amoindri l’autorité et diminué le prestige de M. l’abbé Estève. D’une intelligence prompte et merveilleuse, M. Estève manquait trop souvent de dignité et de tenue, ce qui lui donnait une infériorité incontestable en face de son rival. Ajoutez à ces raisons une réputation, méritée ou non, de libéral et de républicain, et il sera facile de comprendre pourquoi le nouveau professeur de rhétorique dut, lui aussi, quitter bientôt le petit séminaire. Voici quelle fut l’occasion de ce départ. Il était d’usage que le professeur de rhétorique s’occupât de préparer la séance récréative et théâtrale qui devait clore les exercices scolaires. Parfois même il composait une pièce, drame ou tragédie, qu’il faisait jouer aux élèves, le jour de la distribution des prix. A plusieurs reprises, M. Auber y était allé de sa tragédie, comme d’ailleurs le firent plus tard MM. Cochard et Maynard, successeurs de M. Estève. Celui-ci ne voulut pas rester en arrière de son prédécesseur ; il composa deux tragédies pour 1832 et 1833. Quels en furent les sujets ? Nous l’ignorons. Mais ce que l’un nous a affirmé, c’est qu’on voulut voir dans celle de 1833 des allusions politiques capables de déplaire au gouvernement. Le lieutenant de gendarmerie, qui assistait à la séance, crut de son devoir de se plaindre à l’autorité supérieure. Ces plaintes étaient-elles justes et fondées ? Dans tous les cas, des vers comme celui-ci :

« Un bon roi pour un peuple est une Providence »,

N’étaient certes pas faits pour exciter les susceptibilités jalouses de la Cour. Peut-être cet autre prêtait-il davantage le flanc à la critique :

« Dieu fit la liberté, l’homme inventa les fers !»

Quoiqu’il en soit, M. Estève dut quitter le séminaire pendant les vacances qui suivirent. Nommé curé de Saint-Martin-Lars, il fut accompagné dans son exil par quelques élèves que des circonstances particulières obligeaient de partir de la maison : tout en se livrant aux occupations du ministère paroissial, le nouveau curé acheva l’instruction de ceux qui l’avaient suivi. Aumônier du lycée de Poitiers en 1844, au départ de M. Cochard, M. l’abbé Jean-Barthélémy Estève mourut le 9 avril 1871, dans sa retraite de Paché-Avanton. On lui doit un certain nombre de productions d’un mérite original et réel : pièces de poésie, drames, tragédies, nouvelles, toutes tirées de l’histoire sainte ou de l’histoire religieuse de notre pays… »

 

Voici ce que L’abbé Maynard pouvait encore connaître de notre auteur en 1894. Et voici donc enfin retrouvée, la tragédie qui valut au malheureux abbé Estève, de perdre sa chaire de rhétorique au petit séminaire… Est-il réellement possible que le brave gendarme dont la plainte déclencha le scandale ait pu voir dans les vers suivants, prononcé par l’empereur Hadrien, une attaque contre le régime de Louis-Philippe ?

 

« Que pour porter le sceptre on souffre de douleurs !

Que de dards acérés aux plus beaux diadèmes ! »

Ou encore :

« La mort toujours en vain écrase des rebelles

Mais non, de mes sujets ils sont les plus fidèles

Qu’ai-je à leur reprocher, m’ont-ils voulu trahir ?

Pour l’empire et César ils sont prêts à mourir

Et le lâche César ordonne leur supplice

Je ne puis faire un pas sans que leur sang jaillisse

Le sol en est humide et malgré mes efforts

Ils se lèvent toujours plus nombreux et plus forts

A peine a-t-on quitté la tâche meurtrière

Qui massacra les fils qu’on voit courir le père

Pour demander la mort à la main du bourreau… »

 

En 1833, Louis-Philippe n’a échappé encore qu’à un attentat, et l’auteur présumé a été acquitté… De nombreux autres suivront mais après la parution de notre pièce… Faut-il voir dans les martyrs « prêts à mourir pour l’empire », un souvenir des quatre sergents de la Rochelle, exécutés en 1822, mais sous le règne de Charles X ?

 

Quoiqu’il en soit, les représentants de l’autorité ne plaisantent pas avec les allusions à la tyrannie, fût-elle celle d’un empereur romain du 1er siècle !

Quant à notre manuscrit, est-il l’œuvre d’un des étudiants de l’abbé Stève, et qui l’ont suivi dans son exil ? C’est probable, mais nous n’avons pas pour l’instant trouvé de renseignement sur Delisle, pas plus que sur Eugène Vallant qui a plus tard ajouté sa signature sur ce document, certes modeste, mais si révélateur  de la vie religieuse et politique de Montmorillon à l’époque de la Restauration.

 

Prosper Mérimée - avril/mai 1837


Pour commencer cette rubrique consacrée au patrimoine, nous inaugurons une série qui nous permettra d’accompagner Mérimée à travers sa correspondance il y a 170 ans… Nous pourrons le suivre dans ses voyages, ses amitiés littéraires, politiques et artistiques. La correspondance de Mérimée a été publiée en 17 volumes, de 1941 à 1953. Elle constitue une véritable mine d’informations, particulièrement riche grâce aux nombreux voyages effectués en tant qu’inspecteur général des monuments historiques. On trouve aussi, parmi ses correspondants réguliers, le romancier Stendhal mais aussi la comtesse de Montijo, mère de la future impératrice Eugénie.

C’est le 15 mai 1837 que Mérimée fait paraître la Vénus d’Ille. Cette nouvelle fantastique, très originale, met en scène des personnages que l’auteur connaît bien. Le narrateur, un archéologue parisien, homme du monde cultivé et sceptique (Mérimée ?), une famille de nobles provinciaux, au père vaniteux et au fils froid et cupide, et enfin une statue de Vénus en bronze, découverte par le père de famille et qui va provoquer la perte du jeune homme, dédaigneux de sa fiancée, qu’il n’épouse que pour sa fortune.

Voici un extrait d’une lettre de Mérimée à Esprit Requien, datée du 30 mars 1837. Esprit Requien etait un naturaliste français, né le 6 mai 1788 à Avignon et mort le 30 mai 1851 à Bonifacio. Éminent botaniste, paléontologue et malacologue, il fut un des plus célèbres naturalistes du XIXe siècle et sans doute le plus illustre savant avignonnais. La lettre reflète bien l’humour de son auteur et l’auto-dérision dont il faisait un usage fréquent.

Pour vous dire les choses avec franchise, il me prend de temps en temps de violents accès de paresse, surtout en matière de corespondance. (17 forts volumes publiés !).Vous qui pratiquez bien le sublime far niente, vous aurez, je l’espère, quelque indulgence pour l’un de vos imitateurs. Quand je vous dis que je vous imite, c’est une façon de parler. J’imprime et je fais de la prose à douze, ce que vous ne faites pas. Vous aurez reçu de moi un gros volume (Les Notes d’un voyage dans l’ouest de la France), et d’ici quelque temps je vous enverrai un petit  (la Vénus d’Ille). Vous ai-je donné les Ames du purgatoire ?  (une nouvelle publiée par Mérimée en 1834)... Si vous les avez déjà, cela vous servira à sécher des plantes...